Maps to the stars : « Ascension schizophrénique vers le succès »

6 Août 2014



Hollywood prend des allures cauchemardesques dans ce dernier Cronenberg. Encore une fois le réalisateur canadien offre une nouvelle palette de couleurs à ses thèmes de prédilection. Traitant des névroses psychiques de la société moderne, il nous peint l’effrayant visage de la cité des Anges. Le message est clair : tout ce qui brille n’est pas de l’or !


Crédit DR
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Sous un ciel toujours bleu, où l’argent et le succès paraissent si accessibles, il n’est pas étonnant que le commun des mortels soit tenté de se brûler les ailes à trop vouloir atteindre des sommets. A Hollywood, l’ascension vers la célébrité semble souvent avoir un prix onéreux… Celui de la santé mentale. La célébrité et la folie sont des concepts si intimement liés, que leur corrélation ne pouvait que s’accentuer avec le déclin de notre société. 

Nous ne comptons plus les « stars » tristement célèbres pour leurs déboires plutôt que pour leurs carrières. La popularité et le besoin inconditionnel de briller sous les feux de la rampe font perdre la tête. Gloria Swanson nous l’a parfaitement démontré dans "Boulevard du crépuscule" et l’apparition constante de nouvelles starlettes de la télé-réalité nous le prouve encore malheureusement tous les jours. La folie serait-elle l’ultime pathologie tendance des sociétés occidentales ?

Wonderland 2.0

Le fameux côté obscur de la ville des rêves nous saute brutalement aux yeux, comme le détail pourtant flagrant d’une immense fresque. Nous traversons cet étrange pays des merveilles, où chaque nouvel intervenant paraît plus mentalement dérangé que le précédent. Tout le monde semble être sujet à des fortes hallucinations schizophréniques, et cela ne semble alarmer personne d’autre que le spectateur. 

Cette confusion pourrait certainement être perçue comme un coup de maître du cinéaste. Cependant Maps to the stars qui était défini par son auteur comme un « drame réaliste » lors du dernier festival de Cannes, tire dangereusement vers la satire. A trop vouloir jouer la carte du réalisme, Cronenberg s’égare pourtant entre dérision et vérité alarmante.

Les guignols de L.A

Julianne Moore est caricaturale en actrice has-been, préparant sans relâche son précieux come-back qui ne viendra sans doute jamais. Perdue entre méditation et surmédication, elle s'attelle d'une étrange façon à trouver son équilibre personnel. Et malheureusement, ce n'est pas l'unique personnage qui soit grossièrement taillé. La psychologie des autres intervenants reste simpliste et superficielle. 

L'enfant-star managé par sa propre mère (sosie physique et moral de Kris Jenner), le père autoproclamé gourou des temps modernes... On en viendrait presque à s’inquiéter de la nature profonde des Angelins qui passent véritablement pour des robots immoraux et diaboliques assoiffés de succès.

Une émotion qui dérange

En plus de la violence psychique, le cinéaste n’hésite pas à injecter une dose d’hémoglobine et d’inceste à son cocktail malsain. Ces ingrédients viennent se poser brutalement comme une cerise au sommet du grand gâteau, qui nous avait pourtant déjà donné la nausée. Et à ce désagréable tournis vient s'ajouter le refrain persistant du célèbre poème « Liberté » d’Eluard. Si la beauté de ces quelques lignes peut nous toucher sensiblement, en revanche la répétition incessante de ces dernières leur fait perdre tout sens, toute magie jusqu'à les rendre complètement stériles et incompréhensibles dans le contexte du film. La métaphore en devient peut-être trop polysémique pour être traduite clairement. 

Ce film dérange et heurte… Mais ce n’est pas cela qui défini la qualité d’une œuvre. Cronenberg est un réalisateur respecté pour sa grande maîtrise technique et pour les réflexions métaphysiques qui transparaissent dans son cinéma. C’est en quête de divertissement que nous nous rendons dans les salles obscures, mais surtout en quête d’émotion. Un film peut nous faire rire, pleurer, nous effrayer ou nous écoeurer… peu importe la sensation qu’il procure, tant qu’il nous aura fait vibrer en nous racontant une histoire montée de toute pièce. Tant que l’attention portée à ces 24 mensonges par seconde aurons eu le pouvoir de nous suspendre du temps… Ne serait-ce que l’espace d’une séance.

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